Forfait-jours
Ce que dit la loi travail
Un forfait-jours comporte un certain nombre de jours travaillés sur l’année en contrepartie d’une rémunération forfaitaire, sans aucune référence aux durées de travail quotidienne et hebdomadaire et en conséquence sans heures supplémentaires. Ce mécanisme est tellement avantageux pour les employeurs qu’il n’a cessé de se développer. Il est appliqué à 13,3 % des salariés toutes catégories professionnelles confondues (au lieu de 4 % en 2001) et à 46,8 % des cadres (DARES analyse n° 48, juillet 2015).
- Les dispositions de la loi Travail sur les forfaits-jours permettent, tout comme auparavant, des durées de travail complètement déraisonnables : 13 heures par jour et 78 heures par semaine !
- Pour ne pas donner l’impression de se désintéresser complètement du sort des salariés, la loi prévoit que l’employeur s’assure régulièrement que leur charge de travail est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de leur travail. Et pour concrétiser cette bonne intention, l’employeur peut éventuellement prévoir des mesures en ce sens dans l’accord collectif instaurant les forfaits-jours ou, à défaut d’accord, en prenant différentes dispositions à cet effet (établissement d’un document de contrôle avec le nombre et la date des journées travaillées, vérification de la compatibilité de la charge de travail avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires et organisation d’un entretien annuel avec le salarié). Ces précautions, qui sont mises en œuvres de façon très variables selon les entreprises, restent très insuffisantes et n’empêchent pas les abus.
- Par définition, les salariés soumis au forfait-jours ne bénéficient pas d’heures supplémentaires. Il n’y a pas de relation entre le nombre d’heures effectivement travaillées et la rémunération du salarié. Ainsi, de très nombreuses heures effectuées ne sont pas rémunérées et, de surcroît, les salariés ne bénéficient pas de majorations de rémunération. Le seul garde-fou consiste pour les salariés qui perçoivent une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui leurs sont imposées, à saisir les prud’hommes pour demander à être indemnisé du préjudice subi. Pour que les salariés soient payés pour le travail réalisé, il y a pourtant des mécanismes plus simples !
- Surtout, la loi Travail a facilité la conclusion d’accords collectifs défavorables aux salariés, en multipliant les possibilités de valider un accord défavorable aux salariés. D’abord, l’employeur dispose d’une liberté totale dans le choix du périmètre de négociation (entreprise, établissement, groupe, ensemble d’établissements, etc.). Autant de possibilité de choisir la configuration qui lui est le plus favorable… Ensuite, l’employeur peut contourner les syndicats majoritaires en organisant un référendum d’entreprise, qui permet à des organisations syndicales minoritaires ayant recueilli 30 % des suffrages aux élections professionnelles dans l’entreprise de signer l’accord et de demander la tenue d’un référendum pour le valider. Enfin, lorsqu’il n’y a pas de syndicat représentatif dans l’entreprise, l’employeur peut conclure un accord avec les représentants du personnel ou avec un salarié mandaté. Depuis la loi Travail, il n’y a plus de véritable contrôle par la commission paritaire de branche dans les cas où celui-ci existait antérieurement.
Voir Code du travail, articles L. 3121-60 à L.3121-66 ; et sur la conclusion des accords, articles L. 2232-12, L.2232-21 à L. 2232-27, L. 2232-36 et L. 2253-7.
AVANT LA LOI
- La législation du forfait-jours antérieure à la loi Travail avait été déclarée non-conforme à la Charte sociale européenne par le Comité européen des droits sociaux (décisions du 12 octobre 2004, du 8 décembre 2004 et du 23 juin 2010 faisant suite à des recours formés par la CGT et la CFE-CGC). Le Comité avait jugé que la durée hebdomadaire de travail permise (78 heures) était excessive et que les heures de travail ne faisant l’objet d’aucune majoration salariale étaient anormalement élevées.
- Par une série d’arrêts rendus en 2011 et 2012, la Cour de cassation avait tiré les conséquences de cette condamnation en annulant des conventions de forfait-jours des salariés, toutes les fois où les conventions collectives ne venaient pas suppléer les lacunes de la législation en apportant des garanties en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés, notamment au regard du respect des durées maximales de travail (cass. soc. 29 juin 2011, n° 09-71107, BC V n° 181 ; cass. soc. 31 janvier 2012, n° 10-19807, BC V n° 43).
- Les différents gouvernements qui se sont succédés n’ont rien fait pour régulariser la législation, jusqu’à ce que le gouvernement « Valls – Macron – El Khomri », profite de la loi Travail pour aggraver les irrégularités de la législation concernant les salariés en forfait-jours.
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